Quantifier pour diminuer ? Deux outils d'estimation de GES pour la Polynésie francaise

Dans le cadre d'une collaboration avec alter-éc(h)o conseil nous avons développé, les derniers mois, deux simulateurs d'estimation de gaz à effet de serre destinés aux habitants de la Polynésie Française. Retour sur cette mission.

Quelques mots de contexte

alter-éc(h)o conseil accompagne de longue date la Polynésie Française dans le cadre de sa transition énergétique. D'abord sur l'élaboration de son Plan climat énergie (PCE), premier exercice portant sur la période 2015-2020, puis sur l'élaboration du Plan Climat de la Polynésie française - PCPF - synonyme d'une nouvelle ambition climatique et d'un plan d'actions opérationnel courant jusqu'en 2030.

Bannière du site du PCPF (qui utilise Linea21)

Bannière du site dédié au PCPF (reposant sur Linea21)

Dans le cadre de l'élaboration de ce nouveau document de planification - et du nouvel élan induit, le Service Des Énergies polynésien a lancé une consultation relative à l'adaptation des facteurs d’émission carbone à la Polynésie française et à la création d’un simulateur d’empreinte carbone. Nous y avons répondu avec alter-éc(h)o conseil (mandataire) et avons travaillé de concert sur ce mission.

Ce travail d'adaptation des facteurs d'émissions sera évoqué de manière succincte seulement.

Deux simulateurs pour deux types de public

Le cahier des charges de la consultation était clair. L'objectif était de permettre aux polynésiens, pressés ou moins, d'estimer leur empreinte carbone. Il s'agissait donc de fournir non pas un mais deux simulateurs :

  • un simulateur simple, permettant d'obtenir une estimation des GES en fonction du mode de vie de l'usager mais se limitant à une dizaine de questions environ afin que la simulation ne prenne pas plus de quelques minutes.
  • un simulateur complet, déclinaison polynésienne de l'outil élaboré par l'équipe Datagir de l’ADEME et beta.gouv.fr, en partenariat avec l’Association pour la transition Bas Carbone (ABC).

La vie sur un archipel ... au milieu de l'océan Pacifique

Un polynésien moyen émet aujourd'hui environ 11 TeqCo2, dont plus de la moitié des émissions sont dues à l'alimentation et au transport.

Tahiti et les autres îles de la société, Tuamotu, Gambier, Marquises, Australes ... La Polynésie Française, ce sont 5 archipels, 118 îles dont 76 sont habitées, et près de 2 000 km qui séparent les îles Australes des Marquises. La situation de la Polynésie française et l'isolement des territoires qui la composent introduisent une diversité des modes de vie et cette moyenne d'émission n'est qu'une valeur statistique à lire avec prudence, passant sous silence des écarts importants. alter-éc(ho) conseil a habilement et justement illustré cette diversité, sur le simulateur complet, dans le choix de profils types visibles en ligne (en cliquant sur "Agir").

Personae - Déclinaison polynésienne de nosgestesclimat

Diversité des profils-types dans la déclinaison polynésienne de nosgestesclimat

Si les facteurs d'émission sont aujourd'hui bien documentés en métropole, ils le sont moins en Polynésie française. Un travail d'adaptation préalable était nécessaire avant la conception même des simulateurs et devait tenir compte de cette diversité géographique en distinguant notamment le lieu de vie par archipel.

A titre d'illustration, l'intensité carbone de l'électricité (quantité de CO2 émise pour un kWh produit), dont la production repose très majoritairement sur des énergies fossiles en Polynésie, est en moyenne 11 fois supérieure à celle de la métropole, et elle peut varier d'un facteur 2 d'une île à l'autre. Notons par ailleurs que, dans ce contexte, la voiture électrique devient plus émettrice que la voiture thermique.

L'isolement géographique du territoire se traduit aussi par un usage prononcé de l'avion pour les déplacements (intérieurs et internationaux) pour une part de la population, ainsi que par des trajets inter-îles en bateau.

Autre différence notoire avec la métropole, en Polynésie française, vous n'avez pas besoin de chauffage. Pour autant, l'impact du logement en termes d'émissions de gaz à effet de serre n'est pas neutre : besoin éventuel de ventilation voire de climatisation, consommation électrique en phase d'usage et énergie grise due à la construction.

Enfin, les habitudes alimentaires sont différentes.

La déclinaison polynésienne de nosgestesclimat

Vous connaissez notre position et notre engagement sur le logiciel libre et l'ouverture au plus grand nombre. Nosgestesclimat est sous licence libre, ce qui permet sa réutilisation et sa modification !

Mais le choix du libre ici, c'est surtout celui du Service des Energies. La déclinaison de nosgestesclimat nous était imposée par le cahier des charges pour le simulateur complet. Il y a derrière cet outil, une équipe d'experts et de développeurs qui s'y consacre à temps plein depuis plusieurs années. Utiliser nosgestesclimat c'est disposer de cette expérience qui a donné vie à un projet éprouvé, c'est aussi accepter des contraintes multiples : sur l'environnement de développement, sa logique applicative, son ergonomie, son architecture, ...

Ajout d'une question relative aux transports maritimes

Adaptation de de nosgestesclimat à la Polynésie française

Un travail minutieux d'adaptation des facteurs d'émissions, des questions et des mécanismes calculatoires a été effectué et une personnalisation des contenus statiques (hors simulateur) a été réalisée en dialogue permanent avec alter-éc(h)o conseil. D'un point de vue technique, notre bilan de l'adaptation de nosgestesclimat, à l'usage de ceux qui se lanceraient dans la même aventure, est le suivant :

  • le modèle publi.codes sur lequel repose nosgestesclimat est efficace mais parfois déstabilisant et limité (sur la gestion "automatique" des unités par exemple, ou l'ordonnancement des questions impossible ou limité)
  • le recalcul automatique de l'ensemble des variables en temps réel sur la base des saisies utilisateur est précieux car puissant
  • le découplage de l'applicatif en site et données est prometteur mais pas encore total. Des adaptations nécessitaient donc de s'attaquer à certains fichiers, en dur, pour simplement changer des textes ou exercer le contrôle souhaité. Et ceci est extrêmement gênant car elles excluent, de fait, des mises à jour simples !
  • les inter-dépendances entre questions peut compliquer la logique calculatoire. Des outils de débogage simples mais plus avancés seraient utiles - via la console notamment
  • l'adaptation reste un chantier long. Elle implique des tests multiples pour s'assurer que tout fonctionne comme prévu, surtout lorsque la simulation est conditionnelle
  • sollicités via le système de gestion de projet - plateforme github, les développeurs se sont, étonnement, montrés peu réactifs au regard d'autres projets libres

* Ce travail a été réalisé au cours de l'année 2023 sur la base d'un fork datant de juin 2022 (environ), nous ne doutons pas que des améliorations viendront parfaire cet outil.

S'il y a un point à retenir surtout, c'est que l'objectif d'adaptation au contexte polynésien est rempli ! L'outil est à découvrir en cliquant sur le lien suivant :

Nosgestesclimat - déclinaison polynésienne

Le développement d'un simulateur simple

Comme son nom l'indique, le simulateur simple ne présentait pas les mêmes attentes. Il fallait saisir les ordres de grandeur - même si la tentation de la précision restait forte - pour les restituer à l'utilisateur. Nous avons organisé l'outil sur 6 pages seulement : 1) lieu de résidence, 2) déplacements quotidiens, 3) déplacements en avion, 4) consommation et 5) logement et enfin 6) la visualisation du résultat.

Résultats du simulateur simple

Résultats du simulateur simple

Les choix de développement pour le simulateur simple étaient complètement ouverts. Et nous avons opté pour la simplicité et une approche technologique frugale : aucune utilisation de framework, du HTML, du javascript, jquery, echarts pour la représentation finale et un script PHP pour le stockage des facteurs d'émissions et la partie calculatoire gérée côté serveur. Le résultat est à découvrir en cliquant sur le lien suivant :

Simulateur simple d'empreinte carbone en Polynésie

L'estimation des émissions comme le code sont très certainement perfectibles. Mais l'outil résultant est le fruit d'un compromis que nous jugeons satisfaisant puisqu'une série de questions restreinte permet de (se) situer, finalement assez précisément ! Et la simulation faite sur l'un et l'autre des simulateurs par un même usager donnera des résultats assez proches !

Et maintenant ?

Si notre objectif de prestataire est rempli, l'objectif de réduction des émissions de GES de la Polynésie française comme du reste du monde reste à atteindre ...

D'abord, il faut que ces deux outils trouvent leur public respectif. Un travail de communication et de valorisation devrait suivre.

Surtout car ce type d'initiative repose sur le postulat que "quantifier permet de diminuer". Espérons-le vivement ! Et lançons, en passant, l'idée qu'il serait peut-être utile d'en faire la démonstration par l'ADEME / Datagir via une enquête auprès des utilisateurs de nosgestesclimat, dont, semble t'il, l'utilisation est massive.

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